Grace Kelly : Vous avez dit icône ?

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L’architecture conçue à Baku par Zaha Hadid se  déploie dans la souplesse. Avec son quadrillage apparent, externe et interne, elle mime une sorte de tapis blanc enroulé sur lui-même et entre les circonvolutions duquel une certaine forme de vie se serait réfugiée.

Dans les replis les plus hauts, une exposition hagiographique présente toutes les étapes de la vie d’Heydar Aliyev, le père fondateur de l’Azerbaïdjan post-communiste et met également en valeur, dans une sorte de résumé historique, géographique et artisanal,  les traditions populaires du pays, tandis que dans les replis opposés, sont présentées des expositions temporaires.

La présence de Grace Kelly pourrait apparaître comme une sorte d’anomalie géographique et surtout politique, si elle ne jouxtait des sculptures contemporaines où Wim Delvoye, présenté en vedette, avec ses œuvres les plus récentes, donne la réplique à Jean-Michel Othoniel et Anish Kapoor.

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Oeuvre de Vim Delvoye. Architecture de Zaha Hadid.

Nous sommes donc bien dans un musée contemporain interdisciplinaire où la « Frégate » décapotable de la vedette devenue princesse dialogue avec les trois limousines du Président décédé : celles de ses années à la tête du parti communiste d’Azerbaïdjan, celle de ses années passées au sein du politburo et enfin celle où il modèle une république son seulement post-communiste, mais aussi post-moderne où la force tranquille des puits de pétrole permet d’assurer la puissance tranquille et sans opposition d’une dynastie politique familiale.

Ainsi, dans ces circonstances,  la belle actrice joue le rôle d’une icône de la beauté à laquelle ce pays du Caucase du Sud aspirait après de longues années d’égalitarisme systématisant. Elle vient prendre sa place dans le prolongement d’avenues spacieuses et luxueuses où les boutiques de mode et de mobilier design jouxtent celles où sont présentés les derniers modèles de Ferrari et Aston Martin, un peu comme une fée initiatrice ;  de celles qui légitiment.

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Elle prend également parfaitement à Baku, après le Victoria and Albert de Londres et le Musée Mac Cord de Montréal qui ont accueilli cette présentation magnifiquement conçues par le Musée Grimaldi, la place d’un rêve américain fantasmé où Bing Crosby, Gary Cooper, Clark Gable et surtout Cary Grant, constituent les modèles masculins d’une virilité triomphante pourtant dominée par la volonté de femmes sensuelles et élégantes.

Cette contradiction américaine absolue dont Alfred Hitchcock a résolu le théorème grâce à quelques blondes hors du commun.

Et Grâce Kelly est en effet hors du commun en ce sens qu’elle a traversé sa vie d’actrice, puis de princesse de contes de fées, puis de mère d’une famille dynastique, en laissant derrière elle une série de photographies et de portraits qui construisent en soi une légende, ainsi qu’un sillage de robes et de tenues qui permettent de relire la mode parisienne des années cinquante et soixante dans ce qu’elle a de plus fascinant.

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Yves Saint Laurent (Robe Mondrian) et Chanel

Grace Kelly a fait la couverture de tous les grands journaux du monde avec ses robes et ses tailleurs de grande marque. L’exposition est en cela exceptionnelle qu’elle propose une quarantaine de robes et de tailleurs de haute couture (Grès, Chanel, Dior, Yves Saint Laurent, Givenchy ou Balenciaga) qu’elle avait acquis notamment pour de grandes occasions : son mariage, ses déplacements officiels à l’étrangers, des galas de bienfaisance qu’elle organisait ou des soirées costumées.

Elle incarne la mode de ces créateurs mythiques en ce sens qu’elle a su quasiment éclipser dans nos mémoires toutes les autres images des mannequins internationaux dont certains étaient pourtant célèbres.

On peut voir en  particulier, un peu comme le vêtement d’une déesse, sa robe en tweed de laine que lui avait confectionnée Coco Chanel en 1970, un an avant la mort de la couturière. Certains vêtements ont été restaurés pour l’exposition et sont présentés sous lumière tamisée pour éviter de les endommager et sur des mannequins réalisés spécialement à se taille.

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« Y a-t-il au monde un endroit aussi beau que ce coin de paradis ? » soufflait Grace Kelly à Cary Grant sur le tournage de « La Main au collet » pour décrire la Côte-d’Azur.

Et c’est bien ce décor méditerranéen qui constitue l’arrière-plan le plus évident de cette exposition qui étend constamment devant nos yeux une ombre portée sur un autre mariage médiatique et d’autres naissances princières plus récents.

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